La lutte contre l’insalubrité

Les démarches des groupes dont devrait s’inspirer la Ville

Montréal, 9 juillet 2019. Le Collectif de Recherche et d’Action sur l’Habitat (CRACH) publie un rapport de recherche réalisé à partir d’une série d’entrevues auprès des comités logement de la ville de Montréal. Le document intitulé La lutte contre l’insalubrité du côté des groupes présente les différentes initiatives mises en place par les organismes communautaires pour lutter contre l’insalubrité au sein de leur territoire d’intervention.

Si ces démarches sont variées et impliquent un grand nombre d’acteurs, institutionnels et communautaires, elles ne sont que très peu médiatisées. De plus, bien que les comités logement disposent de données précises sur les conditions de vie des locataires ou l’état des immeubles qu’ils enquêtent en faisant du porte-à-porte, ces données ne sont généralement pas mises en valeur par manque de moyens financiers et techniques au sein des groupes. À partir des conditions socio-économiques et physiques d’émergence de l’insalubrité identifiées par les comités logement, on propose de créer un indicateur de vulnérabilité à l’insalubrité concurrent à la liste des immeubles prioritaires de la Ville de Montréal. En effet, la cartographie des immeubles prioritaires proposée par la Ville de Montréal avait laissé les organismes communautaires insatisfaits, cette dernière ne s’appuyant que sur des données structurelles liées au bâti et ne faisant pas ressortir la réalité vécue sur le terrain. La démonstration cartographique de l’indicateur de vulnérabilité à l’insalubrité est faite sur le quartier de Parc-Extension. L’idée est de s’appuyer sur les connaissances des groupes communautaires pour identifier de manière plus fine les espaces de forte vulnérabilité à l’insalubrité au sein des quartiers et mettre en place des actions concertées adaptées aux territoires. La publication de cette étude survient une semaine après les déménagements du 1er juillet dans un contexte de forte augmentation des prix des loyers et de diminution drastique du taux de vacance, alors que de nombreuses familles cherchent encore un logement abordable, salubre et sécuritaire.

Le CRACH, à l’origine de cette étude, a pour mission de développer des recherches sur la ville dans une perspective critique et intersectionnelle. Pour ce faire, il cherche à mettre les connaissances produites par les sciences sociales au service des luttes pour le droit au logement, la justice sociale et les droits des locataires. Il vise également à favoriser les recherches collaboratives entre chercheur.e.s, intervenant.e.s et militant.e.s des milieux académique et communautaire.

Informations : Chloé Reiser, Université de Montréal, reiser.chloe@gmail.com, 438-448-2618

La Régie du logement échoue à protéger les locataires contre les logements insalubres

Communiqué de presse

Montréal, le 12 mars 2019 – Suite à la publication d’une nouvelle étude sur les dossiers en insalubrité traités à la Régie du logement, le Collectif de recherche et d’action sur l’habitat (CRACH) et le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) dénoncent que les locataires doivent souvent endurer des conditions de logement inacceptables durant de très longues périodes. L’étude des chercheurEs Julie Verrette et Martin Gallié conclut que, sauf exception, les recours déposés par les victimes de moisissure ne permettent ni de prévenir les risques d’insalubrité ni d’obtenir l’exécution des travaux. Le RCLALQ revendique une importante réforme de la Régie du logement afin d’en faire un tribunal juste et accessible pour les locataires.

 

Documenter les recours à la Régie du logement pour cause de moisissures

L’insalubrité est l’une des premières causes de mortalité dans le monde selon l’Organisation mondiale de la santé. Selon la Direction régionale de santé publique de Montréal et la Société d’habitation du Québec, il s’agit d’un problème très largement répandu qui affecte des centaines de milliers de personnes.

À partir d’une analyse statistique et qualitative des recours déposés pour cause de moisissures au tribunal, l’étude de Julie Verrette et Martin Gallié questionne la portée du recours en garantie d’habitabilité au tribunal. Il s’agit là de l’un des rares mécanismes publics, avec les services municipaux d’inspection, dont disposent les victimes d’insalubrité pour obtenir l’exécution des travaux.

L’un des premiers constats de l’étude est que les victimes d’insalubrité ne se prévalent qu’exceptionnellement de cette disposition. En 2016-2017, la Régie du logement a traité 71 188 dossiers. Sur ce volume, moins de 1% (677) portait sur des cas d’insalubrité contre 57%  (40 676) de dossiers déposés par des propriétaires en non-paiement et expulsion de locataires.

Pour tenter de ce saisir ce « non-recours » au tribunal, les auteurEs relèvent tout d’abord que les victimes attendent des mois, voire dans de nombreux cas des années, que les travaux soient réalisés par les propriétaires (médiane de 335 jours entre l’apparition du problème de moisissure et la saisine du tribunal). Pendant ce temps, elles entament de multiples démarches auprès d’inspecteurs, d’experts, d’avocats, de médecins pour tenter de faire exécuter les travaux et de se soigner. Ce n’est qu’après avoir vécu des mois avec de la moisissure qu’une minorité de victimes se résigne à saisir le tribunal. Une fois le tribunal saisit, les victimes doivent cependant encore attendre plus de deux ans et demi supplémentaires, un jugement qui reconnaitra finalement que le logement est effectivement contaminé.

Face à l’inexécution des travaux et à ces délais, les victimes abandonnent le logement dès qu’elles le peuvent pour protéger leur santé et souvent celles de leurs enfants. Une telle démarche est cependant beaucoup plus difficile pour les catégories sociales les plus pauvres de la société, qui sont pourtant les premières victimes de l’insalubrité.

Compte tenu des délais judiciaires, l’immense majorité des victimes n’habitent plus le logement en question le jour de l’audience (90%). Le logement a donc pu être reloué entre temps à d’autres victimes. Mais dans tous ces cas, le tribunal ne pourra plus ordonner l’exécution des travaux puisque les plaignantEs n’habitent plus le logement en question.

Les auteurEs concluent que, d’un point de vue structurel, le recours au tribunal ne permet pas de prévenir l’insalubrité, d’obtenir l’exécution des travaux et donc de répondre aux enjeux de santé publique que soulève l’insalubrité. Par conséquent, en complément des difficultés que rencontrent les victimes pour accéder à des inspecteurs municipaux, à de l’information juridique ou à des avocatEs, les auteurEs défendent l’hypothèse que le non-recours au tribunal s’explique également par les dysfonctionnements du système judiciaire.

 

La Régie du logement doit être réformée

Pour pallier à ces problèmes, le RCLALQ interpelle la ministre de l’Habitation, Andrée Laforest, pour que celle-ci entreprenne une réforme complète de la Régie du logement. « Il est urgent de rendre la Régie juste et accessible pour les locataires. Il faut tout faire pour redonner confiance aux locataires en la Régie et ainsi favoriser l’accès à la justice  », réclame le porte-parole du RCLALQ, Maxime Roy-Allard. Le RCLALQ revendique notamment que les dossiers impliquant la santé et la sécurité des locataires soient entendus dans des délais très rapides, soit de 72 heures maximum. Le regroupement de comités logement réclame également au gouvernement du Québec un code provincial du logement afin que l’ensemble des ménages locataires du Québec soient protégés par une telle réglementation et puissent avoir accès à des services d’inspection (à l’heure actuelle seulement une vingtaine de villes du Québec ont une réglementation).

Renseignements :

Maxime Roy-Allard, RCLALQ, 514-781-2220

La moisissure au tribunal

Collectif de Recherche et d'ACtion sur l'Habitat