La Régie du logement échoue à protéger les locataires contre les logements insalubres

Communiqué de presse

Montréal, le 12 mars 2019 – Suite à la publication d’une nouvelle étude sur les dossiers en insalubrité traités à la Régie du logement, le Collectif de recherche et d’action sur l’habitat (CRACH) et le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) dénoncent que les locataires doivent souvent endurer des conditions de logement inacceptables durant de très longues périodes. L’étude des chercheurEs Julie Verrette et Martin Gallié conclut que, sauf exception, les recours déposés par les victimes de moisissure ne permettent ni de prévenir les risques d’insalubrité ni d’obtenir l’exécution des travaux. Le RCLALQ revendique une importante réforme de la Régie du logement afin d’en faire un tribunal juste et accessible pour les locataires.

 

Documenter les recours à la Régie du logement pour cause de moisissures

L’insalubrité est l’une des premières causes de mortalité dans le monde selon l’Organisation mondiale de la santé. Selon la Direction régionale de santé publique de Montréal et la Société d’habitation du Québec, il s’agit d’un problème très largement répandu qui affecte des centaines de milliers de personnes.

À partir d’une analyse statistique et qualitative des recours déposés pour cause de moisissures au tribunal, l’étude de Julie Verrette et Martin Gallié questionne la portée du recours en garantie d’habitabilité au tribunal. Il s’agit là de l’un des rares mécanismes publics, avec les services municipaux d’inspection, dont disposent les victimes d’insalubrité pour obtenir l’exécution des travaux.

L’un des premiers constats de l’étude est que les victimes d’insalubrité ne se prévalent qu’exceptionnellement de cette disposition. En 2016-2017, la Régie du logement a traité 71 188 dossiers. Sur ce volume, moins de 1% (677) portait sur des cas d’insalubrité contre 57%  (40 676) de dossiers déposés par des propriétaires en non-paiement et expulsion de locataires.

Pour tenter de ce saisir ce « non-recours » au tribunal, les auteurEs relèvent tout d’abord que les victimes attendent des mois, voire dans de nombreux cas des années, que les travaux soient réalisés par les propriétaires (médiane de 335 jours entre l’apparition du problème de moisissure et la saisine du tribunal). Pendant ce temps, elles entament de multiples démarches auprès d’inspecteurs, d’experts, d’avocats, de médecins pour tenter de faire exécuter les travaux et de se soigner. Ce n’est qu’après avoir vécu des mois avec de la moisissure qu’une minorité de victimes se résigne à saisir le tribunal. Une fois le tribunal saisit, les victimes doivent cependant encore attendre plus de deux ans et demi supplémentaires, un jugement qui reconnaitra finalement que le logement est effectivement contaminé.

Face à l’inexécution des travaux et à ces délais, les victimes abandonnent le logement dès qu’elles le peuvent pour protéger leur santé et souvent celles de leurs enfants. Une telle démarche est cependant beaucoup plus difficile pour les catégories sociales les plus pauvres de la société, qui sont pourtant les premières victimes de l’insalubrité.

Compte tenu des délais judiciaires, l’immense majorité des victimes n’habitent plus le logement en question le jour de l’audience (90%). Le logement a donc pu être reloué entre temps à d’autres victimes. Mais dans tous ces cas, le tribunal ne pourra plus ordonner l’exécution des travaux puisque les plaignantEs n’habitent plus le logement en question.

Les auteurEs concluent que, d’un point de vue structurel, le recours au tribunal ne permet pas de prévenir l’insalubrité, d’obtenir l’exécution des travaux et donc de répondre aux enjeux de santé publique que soulève l’insalubrité. Par conséquent, en complément des difficultés que rencontrent les victimes pour accéder à des inspecteurs municipaux, à de l’information juridique ou à des avocatEs, les auteurEs défendent l’hypothèse que le non-recours au tribunal s’explique également par les dysfonctionnements du système judiciaire.

 

La Régie du logement doit être réformée

Pour pallier à ces problèmes, le RCLALQ interpelle la ministre de l’Habitation, Andrée Laforest, pour que celle-ci entreprenne une réforme complète de la Régie du logement. « Il est urgent de rendre la Régie juste et accessible pour les locataires. Il faut tout faire pour redonner confiance aux locataires en la Régie et ainsi favoriser l’accès à la justice  », réclame le porte-parole du RCLALQ, Maxime Roy-Allard. Le RCLALQ revendique notamment que les dossiers impliquant la santé et la sécurité des locataires soient entendus dans des délais très rapides, soit de 72 heures maximum. Le regroupement de comités logement réclame également au gouvernement du Québec un code provincial du logement afin que l’ensemble des ménages locataires du Québec soient protégés par une telle réglementation et puissent avoir accès à des services d’inspection (à l’heure actuelle seulement une vingtaine de villes du Québec ont une réglementation).

Renseignements :

Maxime Roy-Allard, RCLALQ, 514-781-2220

La moisissure au tribunal

La lutte contre l’insalubrité à Montréal en questions

Logements insalubres : La ville de Montréal sait-elle ce qu’elle fait ?

Montréal, 30 mai 2018. « La Ville de Montréal n’a pas les données nécessaires pour mesurer efficacement son action vis-à-vis de la lutte à l’insalubrité des logements ». Voilà ce que dévoile un rapport de recherche du Collectif de Recherche et d’Action sur l’Habitat (CRACH).

Cette publication survient alors que Montréal s’apprête à rendre public le bilan de son plan de lutte à l’insalubrité des logements pour la période 2014 à 2017, ainsi que son nouveau plan d’action pour la période 2018 à 2021.

Face à cette absence de donnée publique sur les interventions et les mécanismes de lutte contre l’insalubrité, les chercheurs constatent un manquement aux recommandations émises dans le Rapport annuel du Vérificateur général de 2011 et aux objectifs du Plan d’action 2014-2017 de la Ville de Montréal. Plus fondamentalement, elle atteste selon eux de l’inexistence d’une politique municipale cohérente et efficace afin de lutter contre l’insalubrité.

Intitulé La lutte contre l'insalubrité à Montréal en questions, ce rapport de recherche a été réalisé suite à une série de demandes d’accès à l’information effectuées auprès de la Direction de l’habitation et de huit arrondissements de Montréal.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’un quart des décès dans le monde sont dus au fait d’avoir vécu ou travaillé dans un environnement insalubre. À Montréal, la Direction de la santé publique de Montréal estime que près de 30% des ménages ont au moins un problème de salubrité (plomberie défectueuse, moisissures apparentes, infiltrations d’eau, coquerelles, punaises de lit ou rongeurs). Ce sont d’ailleurs les ménages les plus pauvres qui sont, de manière complètement disproportionnée, affectés par ces problèmes.

Malgré l’importance de ces enjeux sociaux et sanitaires, les données disponibles sur l’action des pouvoirs publics municipaux pour remédier à la situation sont peu nombreuses. Il ressort des réponses fournies par les autorités municipales que celles-ci ne sont en mesure de fournir que très peu de données permettant de dresser un portrait fiable de la lutte à l’insalubrité à Montréal.

Le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), membre du CRACH, demande la publication par la Ville de Montréal d’un portrait précis de l’insalubrité. Selon lui, la solution passe par une application rigoureuse de la règlementation existante en matière de logements insalubres, notamment en appliquant les mesures coercitives à l’endroit des propriétaires délinquants. Le RCLALQ demande également une amélioration des ressources mises à la disposition des arrondissements.

Le CRACH, à l’origine de cette étude, a pour mission de développer des recherches sur la ville dans une perspective critique, féministe et intersectionnelle. Pour ce faire, il cherche à mettre les connaissances produites par les sciences sociales au service des luttes pour le droit au logement, la justice sociale et les droits des locataires. Il vise également à favoriser les recherches collaboratives entre chercheur.e.s, intervenant.e.s et militant.e.s des milieux académique et communautaire.

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Information :    Alexandre Cadieux, Comité d’action de Parc-Extension et le CRACH, 514-278-6028 / 514-963-1538

                        Maxime Roy-Allard, RCLALQ, 514-781-2220.

Réponses des arrondissements aux demandes d'information

Le droit et la procédure d’expulsion pour des arriérés de loyers

Le contentieux devant la Régie du logement

Gallié, M. (2016). Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec et Service aux collectivités de l’Université du Québec à Montréal

Entre janvier et août 2015, en collaboration avec le Regroupement des comités logement et association  de  locataires  du  Québec (RCLALQ),  une recherche a été entamée sur le « contentieux de masse » ; sur les dispositions légales applicables, le déroulement des audiences et les voies de recours. Ce rapport restitue les premières données et analyses d’une recherche réalisée sur les expulsions au Québec. Cette recherche est le produit d’une démarche collective, menée en partenariat entre des chercheur.es et des étudiant.es de l’UQAM, un groupe national de défense des  droits  des  locataires,  le Regroupement  des  comités  logement et association de locataires du Québec (RCLALQ) et le Service aux collectivités de l’UQAM (SAC). Il s’agit du premier rapport ; un second suivra sur les expulsions « sans faute » (les reprises et les évictions).

Des logements provisoires pour des résidents provisoires

La privation du droit au logement des travailleurs agricoles migrants au Canada

Gallié, M. et Bourbeau, A. (2014). Cahiers du GIREPS

Cette recherche vise à documenter le droit au logement des travailleurs agricoles migrants au Canada soumis au Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS) et au Volet agricole du Programme des Travailleurs étrangers temporaires (PTET). Elle s’appuie sur la législation en vigueur, la jurisprudence et les données disponibles au Canada. Elle vise notamment à montrer que l’obligation de résidence chez l’employeur, légale ou de facto selon les programmes, participe d’un arsenal juridique qui vise à « brider » la liberté des travailleurs migrants.

La judiciarisation et le non-recours ou l’usurpation du droit du logement

Le cas du contentieux locatif des HLM au Nunavik

Gallié, M. et Bélair, M-C. (2014). Les Cahiers de droit, vol 55 no 3, p. 685-712

À partir de l’exemple du contentieux locatif des habitations à loyer modique (HLM) du Nunavik, les auteurs défendent l’hypothèse que le parallélisme entre la judiciarisation des locataires, d’une part, et le non-recours aux droits de ces mêmes locataires, d’autre part, révèle une instrumentalisation du contentieux par les pouvoirs publics et un détournement des fonctions de la Régie du logement. Concrètement, la Régie rend annuellement, à la demande de l’administration québécoise, des centaines de jugements ordonnant, dans une région polaire, l’expulsion de milliers de locataires. Ces derniers, qui sont logés depuis des dizaines d’années par l’État québécois dans des logements insalubres et surpeuplés, n’ont en revanche jamais recours au système judiciaire pour faire valoir leurs droits. Le droit du logement est ainsi systématiquement et méthodiquement détourné par les pouvoirs publics. En lieu et place de protéger les droits des locataires et de réguler l’activité de l’administration, le système judiciaire agit alors principalement comme auxiliaire des pouvoirs publics.

L’organisation d’une justice à deux vitesses

La catégorisation et la hiérarchisation des causes mises au rôle à la Régie du logement

Ce rapport fait suite à une initiative de Projet Genèse, un organisme de défense des droits sociaux. En janvier 2014, deux membres de l’équipe (Claire Abraham et Arlene Field) ont contacté deux professeures du Département des Sciences juridiques de l’UQÀM (Lucie Lemonde et Martin Gallié). Elles souhaitaient alors examiner les voix de recours qui pourraient permettre de contester juridiquement les délais scandaleusement longs auxquels sont confrontés les locataires avant d’obtenir une première audience à la Régie du logement et finalement un jugement. Le contenu, la méthode retenue dans ce rapport de recherche sont les fruits d’un travail collectif et d’échanges, pendant l’année 2014-2015 entre les membres de Projet Genèse, des professeures du Département des sciences juridiques de l’UQÀM, des étudiantes de Pro Bono UQAM et plusieurs avocates.

Collectif de Recherche et d'ACtion sur l'Habitat